La neige, objectrice de croissance

« Décroissance choisie et anticipée, ou récession subie et chaos social ?! », tel est le message que les objecteurs de croissance tentent de rendre audible dans notre société intoxiquée au « toujours plus ». Malheureusement, l’actualité nous montre chaque jour que le plus probable est un ralentissement subi et non choisi. Dernier signe révélateur : les épisodes neigeux des dernières semaines…

– ci-dessous, l’article d’Agoravox,
– lire aussi, « Considérations alternatives sur la pagaille® « sur le blog de SuperNo

De la neige en décembre (quelle horreur !) met à mal toutes nos activités et nos vies basées depuis peu sur des flux toujours grandissants et des stocks toujours moindres. Quand nos grands-parents, il y a 50 ans, pouvaient vivre sur leurs réserves plusieurs semaines, et voyaient leurs activités logiquement ralenties l’hiver, notre société moderne semble incapable de gérer un ralentissement de plus de quelques heures sans une pagaille générale ! « On n’arrête pas le Progrès », comme on dit.

En tant qu’objecteur de croissance, je me réjouis quand la neige rejoint notre combat pour nous pousser à « ralentir », à nous arrêter de courir, à réduire le nombre de vols d’avions, voire même à prendre congé pour aller luger et faire des bonhommes de neige avec nos enfants ! Dans la galère, on retouve même souvent l’entraide entre voisins ou collègues, d’ordinaire si peu enclins à mutualiser leurs énergies (chacun sa voiture, chacun son petit confort…). Mis à part l’excès de sel déversé sur les routes qui polluera les cours d’eau, la neige est incontestablement du côté des objecteurs de croissance et de la joie de vivre !

Après cet épisode si anormal (de la neige en hiver, imaginez !), comptons sur notre gouvernement d’experts pour organiser au plus vite un « Grenelle de l’hiver » ! Grenelle qui concluera évidemment qu’il faut investir dans plus d’équipements (chasses-neige, routes chauffantes ou pourquoi pas un 4×4 pour tous !?) sans réfléchir le moins du monde à l’aberration d’une société aussi dépendante du pétrole et des flux inintérrompus.

Notre société semble en effet bien incapable de remettre en causes ses fondements et d’anticiper les changements que la fin de l’énergie bon marché nous impose pourtant à plus ou moins court terme. Certains écolos « retrogrades » ont beau nous alerter sur les impasses, sur la nécessité de ralentir, de relocaliser …etc, on se rend compte qu’il n’y a qu’une fois contraints et forcés (aujourd’hui par la neige, demain faute de ressources) que nous réagissons et changeons tant bien que mal nos habitudes.

L’actualité ne fait donc que reforcer l’idée selon laquelle l’adaptation à la finitude de notre planète et au péril énergétique sera malheureusement subie et brutale, et non anticipée et progressive comme cela aurait été souhaitable. C’est à déplorer, car il sera alors trop tard pour limiter nombres de dégats écologiques irréversibles, mais aussi le chaos social que provoquera la forte contraction (non préparée) des flux physiques et de l’économie en général.

Au pied du mur, la tâche sera pour nous, citoyens du monde, de nous battre contre l’inévitable montée des extrêmes, contre le rejet de la faute sur l’autre (les Chinois par exemple), contre le chacun pour soi et la barbarie qui (re)viendra. Il nous faudra organiser, dans l’urgence et le plus démocratiquement possible (ce qui ne sera pas une mince affaire) la transition vers le monde de demain, vers un projet collectif désirable et soutenable, non plus basé sur le consumérisme, le productivisme et la compétition, mais avec pour mots d’ordres : Sobriété et Partage !

Michel Kubler, Moselle

source : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-neige-objectrice-de-croissance-86366

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