ΣΥΡΙΖΑ, l’amorce d’une transition vers d’autres modèles de société ?

La gauche radicale grecque, pour enfin dire non à l’austérité
Les élections législatives grecques du 25 janvier 2015 ont amené au pouvoir Syriza, une coalition de la gauche radicale. Aléxis Tsípras, son charismatique leader, a été nommé premier ministre avec comme objectif principal de sortir le pays de l’austérité. Si, en tant que décroissant-e-s nous ne pouvons que nous réjouir de la fin de l’hémorragie sociale et de ses conséquences terribles sur les populations, nous souhaitons tout de même poser quelques questions.

Une première étape vers plus de démocratie ?
Tout d’abord, nous pouvons tempérer cette victoire présentée comme écrasante, car seulement 63,87% des votants se sont déplacés : preuve de l’insuffisance du système démocratique limité à son outil représentatif. Syriza entend revivifier la démocratie en instaurant des référendums d’initiatives populaires, en favorisant l’initiative législative populaire ou en accordant le droit de vote et d’éligibilité aux immigrés.
De même, la lutte pour la souveraineté démocratique face aux ingérences politiques et surtout économiques de la Troïka dans les mains de l’oligarchie, est une grande avancée. Espérons que ces réformes aboutissent et soient l’amorce enfin, d’une première démocratie : quoi de plus normal en Grèce finalement.

Non à l’austérité, et non à la relance.
Le nouveau gouvernement entend déjà répondre à l’urgence de la crise sociale provoquée par l’ultra-libéralisme européen avec des mesures volontaristes comme le rétablissement du salaire minimum à 751 €, l’accès gratuit aux services publics de l’éducation et de santé, l’électricité gratuite jusqu’à 3 600 Kwh par an mais aussi le relèvement des petites retraites, la réduction des tarifs des transports publics, dans le but de relancer l’activité économique du pays, la croissance et de créer des emplois.
De même, le nouveau gouvernement grec souhaite aller plus loin en annulant la plus grande partie de la dette publique, cette fameuse dette illégitime, et restructurer l’autre partie, toujours dans ce même but croissanciste.
Bien sûr, nous souhaitons de tous nos voeux un débat sur le piège que représente les dettes publiques tant cette question est centrale pour remettre l’économie à sa place. Toutefois, ce débat doit s’inscrire dans le cadre d’audits citoyens servant à estimer les parts illégitimes de ces dettes. Cette question est technique (emprunts toxiques, taux d’intérêts abusifs) mais elle est encore plus politique. Il s’agit de questionner le sens, l’utilité pour le bien-être de la société des investissements effectués avec ces endettements : ainsi, un endettement qui a servi à alimenter le complexe militaro-industriel ouest-européen ou à financer les bénéfices privés liés à l’organisation de jeux olympiques doit être questionné.
Et par là même, le non-remboursement de ces parts illégitimes doit permettre de financer la sérénité pour plus de démocratie, de confiance et de participation citoyenne, mais aussi des projets de transition vers plus de soutenabilité et de convivialité : relocalisation ouverte, consommer moins mais mieux, travailler moins pour vivre mieux, instauration de monnaies locales, s’appuyer sur l’émergence d’alternatives concrètes… pour sortir de ce modèle économique toujours plus dépendant d’une croissance qui ne reviendra plus.

Dette publique, création monétaire, audit citoyen et aussi dette écologique ?
Mais questionner la dette économique doit aussi permettre d’aller plus loin et d’interroger la dimension omniprésente culturelle et sociale de l’argent dans nos imaginaires. En effet, c’est l’occasion de se demander ce que sont la création monétaire, le rôle d’une banque centrale, les dettes et leurs remboursements. Encore plus, c’est l’occasion de rappeler que l’argent sans ressources naturelles ni travail, n’est qu’une abstraction. L’argent ne se mange pas, pas plus qu’il ne chauffe nos logements l’hiver. L’argent est un moyen. Il devrait être utilisé en tant que tel. Donc questionner les dettes, c’est sortir de notre condition d’homo-économicus et rompre avec ce modèle croissanciste de la création monétaire, de la dette, de l’intérêt. Croire qu’il suffirait d’éponger les dettes pour mieux repartir, relancer l’économie, construire de la croissance artificielle, et donc créer de nouvelles dettes, ce ne serait que reculer pour mieux sauter ! De même c’est l’occasion de débattre sur une autre dette que l’on ne veut pas voir : la dette écologique. Celle-ci est bien réelle puisqu’elle a permis de financer nos modes de vie consuméristes non soutenables.

Une opportunité pour débattre et dialoguer
La victoire de Siriza doit servir de tremplin pour ouvrir des débats sur nos modèles de société toujours plus dépendants à la croissance, donc à toujours plus de consommations, de productions et de tirages sur des ressources finies. Il doit aussi poser la question du sens de « qu’est-ce qu’on produit ? Comment ? Pour quel usage ? » C’est une opportunité pour tous les mouvements émancipateurs européens pour se réapproprier l’espoir et construire de vraies alternatives cohérentes, soutenables et désirables, à ce monde néo-libéral et oligarchique qui nous amène toujours plus vite vers l’abîme.
C’est aussi une occasion de dialogues entre les peuples avec leurs différences de perceptions, leurs interdépendances. L’enjeu n’est pas de monter un peuple contre un autre, des populations contre les autres mais de trouver des compromis justes. Ces compromis ne pourront passer que par des redistributions. Cette injustice des 1% s’appropriant bientôt 50% des richesses doivent être bousculées.

Que penser alors de la situation en Grèce ?
D’abord, nous réjouir car la justice sociale reste l’objectif prioritaire du nouveau gouvernement grec, comme un écho à une de nos revendications qui est que la première des décroissances doit être celle des inégalités. Nous réjouir aussi car ces élections montrent que le peuple peut encore s’affirmer malgré la pression des dirigeants européens et des médias qui sont à leurs ordres. Eux qui pensaient, et qui pensent encore qu’on ne peut pas faire autrement que de suivre les préceptes de l’ultra-libéralisme, ont face à eux un gouvernement qui va peut-être avoir le courage d’aller dans un autre sens. Cela est tentant.
Par contre, nous restons lucides car la remise en cause du système économique est partielle. La croissance reste l’objectif et le productivisme non questionné. Les enjeux environnementaux sont mêmes absents du débat et les défis énergétiques éludés.
Et pourtant, c’est un espoir car la Grèce semble partie, non pas en décroissance, pas encore, mais à contre-courant des vents dominants du libéralisme. Et c’est déjà un début, peut-être même l’amorce d’une transition vers d’autres modèles de société. Il ne reste plus qu’à concrétiser ces espoirs et, surtout, que les peuples ne soient pas, une nouvelle fois, oubliés et sacrifiés sur l’autel de l’économie. Les débats ne font que s’ouvrir, l’espoir est là, à condition de faire des pas de côté.

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