La géo-ingénierie n’est pas et ne sera jamais une réponse au problème du changement climatique.

Le naufrage de plus en plus évident du protocole de Kyoto et l’absence d’accord international pour assurer un suivi ambitieux à ce protocole ouvrent la porte aux projets les plus délirants inspirés par les technoscientistes de tous poils. Si nous n’y prenons garde, la géo-ingénierie et ses applications les plus folles seront bientôt testées pour lutter contre le changement climatique. L’Europe se doit de mener le combat pour refuser cette perspective, en pleine conformité avec les engagements pris à Nagoya en décembre 2010 (moratoire décidé par la Convention internationale sur la protection de la biodiversité).

A cet effet, le Grappe vous invite à co-signer la lettre ouverte ci-dessous ; elle est destinée au Président de la Commission européenne, au Commissaire à l’environnement et aux Ministres de l’environnement de Belgique (fédéral et régionaux). Nous clôturerons le recueil des signatures début novembre.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la géo-ingénérie un dossier est disponible par envoi postal pour cinq euros- frais de port inclus. Il vous suffit de le commander en vous adressant à notre siège social, 26 Rue Basse Marcelle, 5000 Namur. Tel : 081 23 09 69. (Permanences le mardi toute la journée et le mercredi et jeudi matin.)


Lettre ouverte aux responsables politiques européens et nationaux en charge de la lutte contre le réchauffement climatique.

La géo-ingénierie n’est pas et ne sera jamais une réponse au problème du changement climatique.

Il est acquis à ce jour que les activités humaines pratiquées et promues dans le monde entier par les pays industrialisés, sont en train de perturber gravement les équilibres écologiques planétaires. La menace d’un changement climatique irréversible a suscité une prise de conscience de la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le protocole de Kyoto, signé dès 1997, a pour ambition de répondre à cet objectif. Toutefois, il faut reconnaître que les espoirs placés dans cet accord international sont déçus sans doute du fait du manque de volonté politique de ses principaux signataires mais aussi et même surtout des mécanismes qui le sous-tendent. Actant déjà la défaillance des politiques face à un enjeu planétaire d’une telle importance et l’incapacité générale à concrétiser les changements qui s’imposent pour éviter le pire, certains scientifiques se sont faits les porte-parole d’une autre approche, basée exclusivement sur la technologie ; il s’agit de faire appel aux techniques de géo-ingénierie.

La géo-ingénierie est l’intervention technologique à grande échelle et intentionnelle sur les systèmes terrestres (océans, atmosphère, sols) dans le but de contrecarrer ou de réduire les effets négatifs de ces gaz à effet de serre. Deux types principaux de techniques de géo-ingénierie sont proposés depuis quelques années : la gestion du rayonnement solaire (injection de sulfates dans la stratosphère, blanchissement des nuages) et la séquestration des gaz à effet de serre, plus particulièrement le CO2 (fertilisation des océans, production et enfouissement à grande échelle de biochar).

En novembre 2010, le Sommet de la Convention sur la diversité biologique, réuni à Nagoya (Japon) a adopté, à l’unanimité, un moratoire sur les activités de géo-ingénierie à grande échelle. Par ce moratoire, les 193 pays signataires se sont engagés à renoncer à toute activité de géo-ingénierie susceptible d’affecter la biodiversité aussi longtemps qu’une base scientifique adéquate ne permet pas de justifier de telles activités et qu’une prise en considération appropriée des risques pour l’environnement et la biodiversité ainsi que des impacts sociaux, économiques et culturels n’est pas réalisée.

Il s’agit là d’une sage décision que nous tenons à saluer sans réticence. Elle est en effet largement justifiée par les risques sans précédent que portent toutes les techniques de géo-ingénierie actuellement proposées ou envisagées. Aucune de ces technologies n’est en effet dépourvue de risques potentiellement graves pour les écosystèmes planétaires ; il est en outre impossible de prévoir l’ampleur voire la nature de ces risques.

Par ailleurs, toute éventuelle expérience de géo-ingénierie est irréversible. A ce titre, on ne voit pas qui pourrait s’arroger le droit de prendre une décision, même si les intentions paraissaient acceptables.

Sachant que les modifications provoquées par toutes ces techniques sont susceptibles de bénéficier à certaines régions du monde et d’en pénaliser d’autres, la légitimité de toute décision est quasi impossible à justifier. Le risque est grand de voir confier ce type de décision à des experts convaincus du bien-fondé de leurs modèles prévisionnels mais irresponsables face aux populations.

Enfin, et ce n’est pas le moindre défaut qu’on puisse attribuer à la géo-ingénierie, elle constitue, à n’en pas douter, un parfait alibi pour les puissances dominantes en ce monde, c’est-à-dire les plus grandes productrices de gaz à effet de serre pour ne rien faire face aux menaces du changement climatique.

Pourquoi remettre en question nos modes de production et de consommation puisqu’on dispose de solutions de rechange ?

Notre interpellation ne peut malheureusement se limiter à vous faire part de notre satisfaction du fait de la décision historique de Nagoya. Un moratoire ne constitue en effet qu’un coup d’arrêt momentané. Les promoteurs de la géo-ingénierie n’ont pas désarmé. Nous en avons pour preuve la mise sur pied récente par le GIEC d’un groupe de travail chargé d’évaluer les recherches nécessaires dans le domaine de la géo-ingénierie, notamment en ce qui concerne les mécanismes de gouvernance à définir pour l’encadrer.

Un autre élément est de nature à inquiéter : les Etats-Unis ne sont pas partie à la Convention sur la biodiversité. Ils ne sont juridiquement liés par aucun engagement. Il y a donc de bonnes raisons de craindre des initiatives unilatérales de leur part, sachant que la plupart des projets de géo-ingénierie sont nés sur leur territoire et que les experts et les brevets déposés en la matière sont essentiellement états-uniens.

Nous nous permettons donc de vous demander d’être vigilants pour que le moratoire décidé, il y a moins d’un an ne soit pas compromis au nom de soi-disant impératifs de recherche scientifique dont le véritable but est de préparer pour demain la légitimation de techniques inacceptables.

A cet égard, nous sommes particulièrement préoccupés par le fait qu’une équipe de scientifiques britanniques a obtenu du gouvernement du Royaume-Uni un financement public pour un projet de géo-ingénierie (projet Spice). Ce projet, pourrait déboucher prochainement sur une expérience concrète d’envoi dans les basses couches de la stratosphère d’un zeppelin géant pour y diffuser du dioxyde de soufre … Cette expérience violerait le moratoire, approuvé par le gouvernement du Royaume-Uni dans le cadre de la Convention sur la protection de la biodiversité.

Nous vous demandons en conséquence :

1. de veiller à renoncer à tout financement de projets de recherche-développement en lien direct avec les techniques de géo-ingénierie ;

2. d’appeler tous les Etats-membres de l’Union européenne à faire de même ;

3. dans le cadre de la préparation du Sommet Rio +20 en 2012 et de l’après-Kyoto de veiller à la primauté de la décision de Nagoya sur toute autre considération ;

4. de soutenir la proposition plus globale d’adoption d’une nouvelle Convention internationale sur l’évaluation des nouvelles technologies (ICENT), telle que proposée par l’ETC group ;

5. de mettre le thème de la géo-ingénierie à l’ordre du jour au sein du dialogue transatlantique Union européenne- Etats-Unis visant à obtenir des Etats-Unis qu’ils renoncent à toute initiative unilatérale en matière de géo-ingénierie.

Pour signer et voir les signataires : http://www.grappebelgique.be/spip.php?article1578

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