Fukushima, un an après…

Lors du dernier GA d’ATTAC du mois de février, il a semblé plus que pertinent de rédiger un article sur la catastrophe nucléaire de Fukushima. En effet, à l’heure où vos lirez ces lignes, le 11 mars 2012 devrait être très proche. Soit une année, jour pour jour, après cette terrible tragédie.

Malheureusement, les informations que l’on serait en droit d’attendre du gouvernement japonais et de la communauté internationale, sont introuvables. Rien de très clair sur la contamination des divers radioéléments dans l’atmosphère, l’océan, sur la population, les aliments, etc. La rédaction de cet article se transformant alors en un travail très complexe…
Fort heureusement, il est possible d’obtenir des informations grâce à différentes associations telles que l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité de l’Ouest (ACRO), Radioprotection Cirkus,  ou encore le blog, actualisé très régulièrement, fukushima.overblog.fr, reprenant des informations émanant d’associations japonaises, ou analysant les documents officiels de TEPCO. La  plupart des informations relatées dans cet article provient de ces sources.

L’objectif de cet article est de réaliser une synthèse sur ce qui s’est réellement passé à Fukushima, puis d’essayer de comprendre où en est la catastrophe aujourd’hui, et enfin quelles sont les conséquences de l’accident. Le tout en essayant de supprimer au maximum les éléments techniques…

L’accident de Fukushima

A la suite du tremblement de terre, de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, ayant entraîné un tsunami, la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi se trouve en grande difficulté pour fonctionner. Des pannes électriques ont lieu, mettant à mal le refroidissement des cœurs des réacteurs, ainsi que celui des piscines contenant le combustible irradié. Les systèmes de secours (groupes électrogènes et batteries) ne fonctionnent plus également, car ils se sont retrouvés noyés à la suite de la vague de 30m de haut… Très rapidement, des explosions ont lieu dans les bâtiments réacteurs n°1, 2 et 3 (le 4 étant à l’arrêt), et des fumées se dégagent de ceux-ci. Les autorités japonaises, tentant de calmer la population et (surtout ?) la communauté internationale, assurent que ces fumées ne sont pas, ou très peu, radioactives. Selon le gouvernement nippon, la situation était totalement maîtrisée par Tepco (l’opérateur de la centrale), et un retour à la normale devait se produire rapidement. La fusion des cœurs n’aurait été que très partielle et surtout, ils seraient retenus par leur cuve d’acier. Les opérations de refroidissement se déroulaient parfaitement, et dans quelques temps, tout redeviendrait comme avant. Pas la peine de déplacer les populations les plus impactées, ni de les restreindre en terme de nourriture. Bref, une belle gestion de crise !

Pourtant, quelques voix s’élevèrent en contradiction avec le gouvernement japonais (même des membres de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique !). Les panaches de fumées observés étaient bien radioactifs, l’eau de mer aspergée dans les cœurs pour tenter de les refroidir retournait dans l’océan, charriant des quantités importantes de radioéléments, empoisonnant donc tout un écosystème, écosystème à la base de l’alimentation japonaise avec le poisson, les retombées auraient été bien plus importantes que celles présentées sur les cartes officielles, empoisonnant les plantes, les sols, etc., et donc les denrées agricoles (le riz, par exemple), mais également la population, les fusions des cœurs des centrales auraient été totales, relevant le niveau de l’accident à 7 sur l’échelle INES au lieu de 5 initialement. Ce n’est que plus tard que le gouvernement japonais avouera certaines choses…

Les conséquences de la catastrophe

Tout d’abord, nous apprenons le 6 juin 2011 que la fusion des cœurs des réacteurs a bien été totale. Mais pas de panique : la cuve du réacteur (une vingtaine de centimètres d’acier) est intacte, selon les autorités. Mais alors comment se fait-il que l’on a retrouvé de l’iode 131 (radioactif) dans la nappe phréatique située à 15m sous la centrale ? C’est bien que la cuve a été percée, et que le radier (dalle de béton de 8m) aurait connu le même sort. Si la cuve a été percée, le seul responsable ne peut être que le corium, mélange de combustible et de cœur de réacteur, capable de transpercer n’importe quel matériau.

Ensuite, alors que le Japon nous affirme qu’il n’y aucune reprise spontanée de l’activité de fission (phénomène de criticité), on apprend que du Xénon et du Krypton ont été détectés, signes que des réactions en chaîne ont toujours lieu, et que donc, la catastrophe est toujours en cours. Les risques de nouvelles explosions ne doivent donc pas être écartés. Etant donné que ces infos ne proviennent que de citoyens japonais (sur des blogs pour la plupart) peu de médias les relaient. Nous n’en savons donc rien. Ce qui explique peut-être encore plus notre soulagement, lorsqu’on apprend, fin 2011, que les réacteurs sont à l’arrêt à froid. On parle d’arrêt à froid lorsque « l’état du fluide de refroidissement se rapproche de celui qui correspond aux conditions ambiantes de pression et de température », selon l’ASN. Selon les autorités japonaises, l’arrêt à froid n’intervient que pour une température de cœur inférieure à 80°C. Or, selon les données même de Tepco, nous ne sommes pas dans ce cas de figure. En tout cas, cela n’est plus vrai depuis le 11 février 2012. Dans les jours qui suivent, les documents officiels de Tepco annoncent plutôt des valeurs de 93,7°C ! Alors que les quantités d’eau mobilisées pour le refroidissement augmentent ! Si on augmente les quantités d’eau, le cœur devrait se refroidir encore plus vite. Si ce n’est pas le cas, c’est que l’activité du combustible perdure, et que donc, le phénomène de fission également. Rien n’est sous contrôle ! Les affirmations du gouvernement nippon avaient déjà du plomb dans l’aile lorsque des vidéos ont circulé montrant, fin 2011, de gigantesques panaches de fumées provenant des réacteurs, alors qu’ils étaient aspergés d’eau… En balançant de l’eau froide sur un corps à 80°C, on pourrait, effectivement, s’attendre à autre chose…
Dans le même temps, on observe entre le 11 et le 12 février une forte augmentation soudaine du césium dans les relevés de retombées radioactives : le césium 134 passe de 4,45Mbequerel/km² à 98,2MBq/km² et le césium 137 passe de 6,46MBq/km² à 139MBq/km² ! De là à dire que cela provient de l’augmentation de la température constatée dans l’un des réacteurs…

Et pendant ce temps, c’est la population qui subit. Dès le début de la catastrophe, le gouvernement refusa d’évacuer une vaste zone. Au final, la zone d’exclusion correspond à un périmètre de 40km autour de la centrale. Le seuil de la radioactivité dans cette zone est de 2 000 000 Bq/km². Pour comparaison, dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, le seuil de la radioactivité était de 500 000Bq/km². Pourquoi ne pas avoir élargi la zone autour de Fukushima Daiichi ? De peur, sans doute, de descendre jusqu’à Tokyo, situé à 250km. Scénario pourtant envisagé au lendemain de l’accident… Plutôt que de déserter une région pendant un temps (peut-être pour des décennies), on a préféré augmenter le seuil de la radioactivité de 1mS/an (limite tolérée pour la population hors examens médicaux et radioactivité naturelle – ce n’est pas une « ligne de démarcation entre «l’inoffensif» et le «dangereux» », souligne la Commission Internationale de Protection Radiologique) à 100mS/an, soit la limite entre risques sanitaires faibles et moyens… En France, les intérimaires du nucléaire (appelés poétiquement la viande à rem) ne peuvent dépasser les 20mS/an, ce qui est déjà reconnu comme beaucoup ! Au Japon, on laisse des enfants et des femmes enceintes dans ce périmètre hautement contaminé. Selon le gouvernement japonais, l’exclusion d’une plus grande zone n’aurait pas été bonne pour l’image du Japon, ainsi que pour le commerce (Ah ! Sacro-sainte croissance !)

Parlons justement du commerce. Plus exactement d’un des besoins de base qu’est la nourriture. Comme on l’a vu plus haut, la chaîne alimentaire est contaminée. Les déversements d’eau radioactive en mer (20 000 fois la limite annuelle autorisée) ont contaminé l’ensemble des espèces (plancton, poissons et crustacés, …). Au lieu d’interdire leur consommation, les autorités ont simplement relevé les seuils de contamination. Et ces produits se baladent dans tout le pays ! Il en est de même pour les plantes. Ajouté à la radioactivité ambiante, conséquence directe de la catastrophe de Fukushima, on comprend bien que les Japonais s’intoxiquent également par ingestion.

Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas parler de cet accident au passé. Il persiste. Sur le blog fukushima.overblog.fr, on peut lire le résumé d’une résidente française au Japon, en visite chez des amis dans un village situé à 1,5km de la centrale. Elle y explique le désarroi des familles qui doivent continuer à payer l’emprunt de leur maison en zone d’exclusion, sans y habiter bien sûr, car la catastrophe n’est pas reconnue comme telle ! Elles se retrouvent donc ruinées, sans logement ni moyens, ce qui ajoute encore un peu plus au drame humain en cours. Là-bas, la radioactivité ambiante est comprise entre 100µS/h et 400µS/h. La limite recommandée étant de 1 000microS/h (sans qu’aucune étude épidémiologique n’ait jamais été réalisée…). En une année, si la zone était encore habitée, ce serait donc entre 876 000µS/an et 3 400 000µS/an que la population recevrait de radioactivité. Soit entre 800 et 3 400 fois plus que la dose “normale” !

Pour continuer sur les contrôles réalisés, l’ACRO a effectué des mesures sur les poussières d’aspirateurs dans un rayon de 200km autour de la centrale. Elles sont toutes contaminées aux césiums 137 et 134. Au maximum, ce sont 20 000Bq/kg pour les deux césiums qui ont été relevés, à 50km de Fukushima. Sachant que la radioactivité du corps humain est de 100Bq/kg. A 200km de la centrale, l’ACRO a encore retrouvé 6 000Bq/kg… Des tests sur les urines des enfants ont également été effectués, et chez certains, la contamination persiste…

Il conviendrait également ici de parler des travailleurs sur place qui tentent de faire ce qu’ils peuvent pour stopper cette catastrophe. Au lendemain du 11 mars 2011, ils étaient 800. Mais les doses reçues étaient tellement importantes, qu’ils ne se sont retrouvés plus qu’à 50. Les “50 de Fukushima”, comme on peut le lire dans la presse. Au fur et à mesure, d’autres ouvriers sont venus les rejoindre, souvent contre leur gré. Le seuil de tolérance de radioactivité pour eux est passé de 50 à 250mS/an… Soit des doses considérées comme « moyennes » par l’OMS. Selon la Commission Internationale de Protection Radiologique, on considère que pour chaque milliSievert, on comptabilise 60 cancers de plus par million de personnes.

Ce dont il faut bien avoir conscience enfin, c’est que cet accident est encore plus dangereux que celui de Tchernobyl. Tchernobyl, c’était un réacteur. Soit entre 50 et 80 tonnes de combustible. Fukushima, c’est 3 réacteurs, dont un qui fonctionnait avec du MOX (mélange d’uranium appauvri et de plutonium), soit 260t de combustible et 300kg de plutonium (en sachant qu’il faut 8kg de plutonium pour faire une bombe équivalente à celle de Hiroshima !)! Et certains ouvriers questionnés par des citoyens avouent toujours craindre une nouvelle explosion…

Stopper la production électro-nucléaire, la seule alternative possible

Pour conclure ce texte, il semble bon de discuter de la sortie du nucléaire. Mais ici, nous n’allons pas disserter pendant 5-10-15 ou 20ans (période à choisir selon le scénario de sortie du nucléaire envisagé). Comme le disait Einstein : « Le nucléaire est la façon la plus diabolique de faire bouillir de l’eau ». Fukushima nous le rappelle une nouvelle fois. Il faut donc cesser le plus rapidement possible cette forme de production d’électricité.
Une solution toute simple existe pour que Fukushima soit enfin la dernière catastrophe atomique : stopper tout bonnement la production électro-nucléaire mondiale.  On voit bien qu’à force de repousser l’échéance (inéluctable de toute façon !), la situation empire. Les catastrophes se poursuivent, aucun gouvernement ne promeut la sobriété énergétique et les énergies renouvelables de façon cohérente, la France poursuit la promotion du chauffage électrique (convecteurs ou pompes à chaleur désormais pour faire plus écolo) alors que notre réseau commence à être saturé par ces grille-pains, le renforcement de la sécurité n’est que douce chimère, les déchets continuent de s’accumuler, la répression contre les opposants se fait de plus en plus violente, l’opacité autour de l’atome s’épaissit, etc.

Et puis, à quoi sert réellement “le feu” nucléaire (pour reprendre une expression d’Alain Gras) ? A faire tourner la méga-machine thermo-industrielle avide de croissance, de toujours plus, etc.

Un rapide calcul nous montre que la consommation de 65 millions de personnes équivaut à 65TWh/an. Quand on sait qu’en 2010, les énergies renouvelables ont produit 14% des 500TWh électriques français, soit 70TWh/an…
Tant que l’énergie nucléaire existera, on n’en aura toujours besoin. On ne réfléchira jamais à comment faire autrement. Il en est de même pour les autres formes d’énergies non renouvelables. Fukushima nous prouve pourtant une nouvelle fois qu’il faut apprendre à faire sans. “On arrête tout, on réfléchit”…

http://fukushima.over-blog.fr/
– pour la Normandie sur les site de l’ACRO : http://www.acro.eu.org/
Pour que la catastrophe de Fukushima marque le retrait du nucléaire
– Nucléaire : http://www.partipourladecroissance.net/?cat=49

source pour le dessin : http://www.globecartoon.com/dessin/

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