Une loi pour la Croissance ? Parce qu’elle le vaut bien

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Pourquoi la loi Macron ?

C’est une loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, l’intitulé de la loi Macron est clair quant aux objectifs affichés. Le recours à l’article 49-3 de la Constitution montre l’importance de ce texte pour le gouvernement : emblématique et surtout nécessaire pour enfin sortir notre pays de leur crise. Que dit la loi Macron et que propose-t-elle ? Est-elle à ce point nécessaire qu’il ait fallu se passer de l’avis de nos élus ?

Dessin de Jérôme Sirou (2008)

La loi Macron s’articule autour de trois grands principes : libérer, investir et travailler. Le gouvernement estimant que les moteurs de la croissance sont insuffisants, entend rénover le pays pour lui-même, le moderniser et en améliorer la croissance potentielle. Cette loi vise à agir sur tous les leviers pour favoriser la relance de la croissance, de l’investissement et de l’emploi.

La Croissance et le travail restent les seules issues pour que notre avenir soit radieux. Sans eux, point de salut. La loi Macron ne fait que confirmer l’inscription de la croissance dans le marbre républicain. Lutter contre cette croissance serait donc aller à l’encontre de l’intérêt général ou comment nous diaboliser, nous qui prônons non pas la décroissance de tout pour tous mais encore moins la croissance pour quelques-uns et l’austérité pour la majorité.

Manuel Vals, le premier ministre, était sans équivoque quand il s’exprimait le 10 décembre 2014 au sujet de la loi Macron : « Le sens, c’est tout faire pour la compétitivité et l’emploi, pour lever les blocages. Tout le monde doit accepter de changer ce qui ne fonctionne pas bien et ce qui pénalise l’activité, et donc l’emploi. Je sais que cette loi bouscule mais elle ne sert qu’un intérêt : l’intérêt général ».

La loi Macron est donc une énième tentative pour relancer la mégamachine capitaliste, un énième fumigène pour cacher la déliquescence d’un système qui cherche des solutions à des crises qu’il alimente. Clairement, cette loi a été faite pour sauver le système, pas pour en sortir. Clairement, elle a été faite pour renforcer l’oligarchie et la finance, pas pour viser à un mieux vivre ensemble, des meilleurs vivres ensembles.

Cette loi fourre-tout est une loi anti-démocratique

La première chose remarquable concernant la loi Macron, c’est son caractère fourre-tout. Elle concerne autant le travail le dimanche, la publicité, les transports, les professions libérales ou encore l’épargne salariale que les grandes surfaces. Le problème, c’est que certains dossiers vont cristalliser l’attention des médias et de l’opinion publique et passer sous silence d’autres aspects de la loi. Par ailleurs, l’opposition à certains points est rendue plus difficile, c’est la politique du tout ou rien, avec des amendements mineurs faisant croire à une victoire dès lors qu’il y a une modification mineure. Nous sommes bien loin d’un processus démocratique transparent et, le recours à l’article 49-3 de la constitution n’a fait que confirmer le déni de démocratie (pour reprendre le secrétaire national du PS en 2006, François Hollande). De plus, l’article 28 de la loi Macron vise à simplifier le droit de l’environnement par ordonnance, mesure prise par le gouvernement sur délégation du Parlement dans des matières relevant de la loi. Nous sommes, avec ce type de mesure, à l’opposé de la démocratie participative pourtant loué par le président Hollande après le drame de SIVENS.

Déréglementer pour libérer de la croissance

La croissance étant l’objectif, le moyen trouvé est de cuisiner l’économie à la sauce libérale. La logique est celle de la déréglementation pour libérer les « fameuses » forces vives qui seraient jusqu’alors bridées par une réglementation trop stricte (comme si nous sortions de décennies soviétiques). Ce que disait E.Macron à Las Vegas est symptomatique : « il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». Cette loi serait une fabrique à millionnaire, bel objectif de fraternité, d’égalité et de solidarité.Pour ce faire, le code du travail est attaqué par une libéralisation du travail le dimanche et de nuit, mais aussi par la destruction des moyens de défenses des salariés, notamment, par une réforme des conseils des prud’hommes, la possible suppression des comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail dans 2/3 des entreprises, ou encore le transfert d’une partie de la médecine du travail vers la médecine généraliste. La dépénalisation du délit d’entrave, qui est une atteinte à la vie syndicale dans l’entreprise, est une mesure favorisant les employeurs et non les salariés. Gérard Filoche, membre du PS, estime que la loi Macron faciliterait les licenciements. Ainsi, comme il l’explique : « si votre licenciement est cassé par le tribunal administratif, vous pourrez malgré tout n’avoir « droit à rien » : « Vous n’êtes ni réintégré, ni indemnisé ».

La logique du gouvernement est claire : ce qui est bon pour le patronat est bon pour l’économie, peu importe les conséquences pour les salariés et leurs conditions de travail. Les inégalités, pourtant déjà criantes, ne risquent pas de se réduire avec de tels dispositifs, bien au contraire.

Une loi pour consommer et tant pis pour l’environnement

La déréglementation de l’économie telle que visée par la loi Macron s’inscrit donc dans une logique de relance de l’économie par l’investissement mais aussi la consommation. L’ouverture des commerces le dimanche et en nocturne est symptomatique. Promouvoir le travail le dimanche et de nuit revient à réduire la vie à la consommation, c’est vouloir utiliser la totalité de notre temps pour la consommation, c’est faire de l’homme un homo oeconomicus à temps complet. Comme si travailler plus ou consommer plus étaient ce dont nous avions besoin. Nous avons juste besoin de bien vivre autrement.

L’ouverture des magasins le dimanche, c’est aussi plus de déplacements motorisés, plus de consommations inutiles, donc plus d’énergies utilisées. En outre, le travail dominical et nocturne s’imposera aux salariés les plus précaires, notamment les femmes et les jeunes, derrière le diktat d’un volontariat imposé par la norme sociale et une économie déliquescente. Mais la loi Macron, ce n’est pas que cela.

C’est aussi la libéralisation des transports en autocars avec l’ouverture à la concurrence des lignes inter-urbaines sans réflexion sur les déplacements, sans réflexion sur les conséquences d’une concurrence sauvage sur les territoires.
C’est la permissivité de publicités géantes dans les enceintes sportives déjà dédiées au sport de masse : une permissivité de plus à la publicité.
C’est la concurrence entre les grandes surfaces sans se poser la question des « bienfaits » de ces temples de la consommation et des emplois précaires.
C’est réduire le délai pour l’obtention du permis de conduire, ce sésame pour devenir un adulte responsable, avec la création d’un service universel du permis. Belle priorité.
C’est vendre le nucléaire à l’étranger puisque l’Autorité de sûreté nucléaire pourra vendre « des prestations de conseils et mener des missions d’appui technique » à l’étranger. Nous sommes bien loin d’une sortie du nucléaire, puisque nous sommes prêts à le développer à l’étranger.
C’est la possibilité de modifier le droit de l’environnement par ordonnance. Pratique déjà douteuse d’un point de vue démocratique, c’est surtout la possibilité de pouvoir imposer des projets inutiles.

Ces mesures ne représentent qu’un florilège de la loi Macron. Cette dernière s’inscrit totalement dans une logique de recherche désespérée de la croissance sans se questionner sur l’état de la société actuelle, sans se questionner sur la société que nous souhaitons, sans prendre en compte les limites physiques de la planète. Trop souvent, nos gouvernants se rendent compte qu’il ne reste plus qu’une goutte de pétrole et se disent que cette goutte leur permettrait quand même de continuer à accélérer. Avec cette loi, on accélère sans se poser de question. Cette loi Macron est juste une loi inutile, juste une loi qui va nous enfoncer encore plus dans l’austérité.

Mais la loi Macron est aussi une conséquence exacerbée de l’état de la démocratie.

Une démocratie qui a laissé des oligarques techniciens s’emparer des choix politiques, au détriment de la quête de sens. Ceux-ci réduisent les débats politiques à des questions de moyens ( » comment faire pour … ? ») pour mieux nous détourner des questions de projets ( » … pour faire quoi ?« ). Certains d’entre eux sont tellement formatés qu’ils sont incapables d’imaginer d’autres objectifs que ceux de l’économisme, alors que d’autres entretiennent scrupuleusement ces dogmes, parce qu’ils bénéficient à l’oligarchie dont ils font partie. Dans tous les cas, c’est une loi qui rappelle que nos gouvernants n’ont rien compris et qu’il est trop dangereux de leur laisser le pouvoir.

Du point de vue de la gouvernance, il existe pourtant de nombreux moyens de re-politisation de la société, afin qu’elle (re)trouve son autonomie collective : la démocratie directe et participative, le tirage au sort d’assemblées au mandat impératif, l’usage du référendum, … mais certainement pas le recours à l’article 49-3 de la Constitution.

La loi Macron, contrairement à ce que laissent entendre de nombreux observateurs, n’est toujours pas adoptée. Elle ne reste qu’un projet de loi qui va être débattu au Sénat, puis reviendra à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi doit être retiré, c’est un enjeu déterminant des semaines à venir (*)

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(*) L’ouverture des discussions au sénat, à compter du 6 avril prochain, doit être l’occasion de nouveaux temps forts ! C’est pourquoi le collectif 3A appelle notamment à :
– Participer aux mobilisations existantes ou en cours de construction. D’ores et déjà, une journée de grève et de manifestations interprofessionnelles est annoncée, le 9 avril, à l’appel de plusieurs organisations syndicales.
– Interpeller les parlementaires, sénateurs et députés, entre autre par la signature de la pétition contre la loi Macron, http://appelcontrelaloimacron.wesign.it/fr, déjà signée par plus de 1 000 responsables d’organisations syndicales, associatives, citoyennes et politiques.
– La tenue de rassemblements et débats unitaires sur l’ensemble du territoire dont un grand meeting à Paris.

 

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2 réponses à Une loi pour la Croissance ? Parce qu’elle le vaut bien

  1. Ping : Loi Macron : toujours de sacrifices et de destructions au nom de la Sainte Croissance | réveil-mutin

  2. Eric dit :

    Si la France était une Démocratie au lieu d’être une République, tous les Français seraient souverains, c’est-à-dire qu’ils se prononceraient sur tous les projets de loi, tandis que dans une République, régime oligarchique, seuls les élus et les nommés sont souverains. Dans une France démocratique, l’ignoble loi Macron ne pourrait même pas être rédigée car les projets de loi seraient écrits par des citoyens volontaires tirés au sort en fonction de l’objet du projet de loi. Par exemple, si une carence législative se faisait jour dans le domaine de la santé, des tirés au sort parmi le personnel de la santé (médecins, infirmières, pharmaciens, etc.) rédigeraient le projet de loi qui devrait ensuite être approuvé par plus de 50 % des Français pour devenir une loi.

    A bas les élections, les partis politiques et la République ! Vive les tirages au sort, les votations et la Démocratie !

    Les Gentils Virus pour la Démocratie : http://gentilsvirus.org/le_constat.html

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